Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1863, tome 8.djvu/102

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pour te rendre plus odieux celui qui a causé tes pertes, sois sans cesse à retourner toutes ces pensées, et tu apprendras à maudire.

Élisabeth. ― Mes paroles sont sans force : anime-les de l’énergie des tiennes.

Marguerite. ― Tes douleurs les aiguiseront et les rendront pénétrantes comme les miennes.

(La reine Marguerite sort.)

La Duchesse.― Le malheur est-il donc si plein de discours ?

Élisabeth. ― Bruyants avocats de la douleur qui les charge de sa plainte, vains héritiers d’un bonheur qui n’a rien laissé après lui, tristes orateurs exhalant nos misères, que la liberté leur soit laissée, bien qu’ils ne puissent nous donner aucune autre assistance que de soulager le cœur.

La Duchesse.― S’il en est ainsi, n’enchaîne point ta langue : suis-moi ; et de l’amertume qu’exhaleront nos paroles, suffoquons mon détestable fils qui a étouffé tes deux aimables enfants. (Tambours derrière le théâtre.) J’entends les tambours. N’épargne pas les imprécations.

(Entrent le roi Richard et sa suite au pas de marche.)

Le roi Richard. ― Qui ose m’arrêter dans ma marche guerrière ?

La Duchesse.― Celle qui aurait pu, en t’étouffant dans son sein maudit de Dieu, t’épargner tous les meurtres que tu as commis, misérable que tu es.

Élisabeth. ― Oses-tu bien couvrir de cette couronne d’or ce front où devraient être gravés avec un fer chaud, si l’on te faisait justice, le meurtre d’un prince qui possédait cette couronne, et le massacre de mes pauvres enfants et de mes frères ? Dis-moi, lâche scélérat, où sont mes enfants ?

La Duchesse.― Crapaud, crapaud que tu es, où est ton frère Clarence, et le petit Ned Plantagenet son fils ?

La Reine.― Que sont devenus les nobles Rivers, Vaughan et Grey ?

La Duchesse.― Qu’as-tu fait du généreux Hastings ?

Le roi Richard. ― Sonnez une fanfare, trompettes :