Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1863, tome 8.djvu/111

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et trop réellement ensevelis dans leurs tombeaux.

Le roi Richard. ― Ne touchez point cette corde, madame ; cela est passé.

Élisabeth. ― Je la toucherai tant qu’il restera dans mon cœur une corde sensible.

Le roi Richard. ― Oui, par mon saint George, par ma jarretière, par ma couronne….

Élisabeth. ― Tu as profané l’un, déshonoré l’autre, usurpé la troisième.

Le roi Richard. ― Je jure….

Élisabeth. ― Sur rien, ce n’est point là un serment : ton saint George profané a perdu sa sainte dignité ; ta jarretière ternie est dépouillée de sa vertu chevaleresque ; ta couronne usurpée est déshonorée dans sa gloire : si tu veux faire un serment qui te lie et que je croie, jure donc par quelque chose que tu n’aies pas outragé.

Le roi Richard. ― Eh bien, par l’univers….

Élisabeth. ― Il est plein de tes odieux forfaits.

Le roi Richard. ― Par la mort de mon père.

Élisabeth. ― Ta vie l’a déshonorée.

Le roi Richard. ― Par moi-même.

Élisabeth. ― Tu t’es avili toi-même.

Le roi Richard. ― Enfin, par le nom de Dieu.

Élisabeth. ― Dieu a été le plus offensé de tous. Si tu avais craint de violer un serment fait au nom de Dieu, l’union que le roi ton frère avait formée n’aurait pas été rompue ni mon frère égorgé. Si tu avais craint de violer un serment fait au nom de Dieu, cet or, signe du pouvoir, qui entoure maintenant ta tête, aurait décoré le jeune front de mon enfant ; et je verrais ici vivants les deux princes qui, maintenant, tendres camarades couchés ensemble dans la poussière du tombeau, sont par la violation de ta foi devenus la proie des vers. Par quoi peux-tu jurer aujourd’hui ?

Le roi Richard. ― Par l’avenir.