Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1863, tome 8.djvu/127

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que je me venge sur moi-même ? Je m’aime… Et pourquoi ? Pour quelque bien que je me sois fait à moi-même ? Oh ! non, hélas ! Je me hais plutôt moi-même, pour les actions haïssables commises par moi. Je suis un misérable… Mais non, je mens, cela n’est pas vrai. Imbécile, parle donc bien de toi… Imbécile, pas de flatterie. Ma conscience a mille langues et chacune répète son histoire, et chaque histoire me déclare un misérable. Le parjure, le parjure au plus haut degré ! Le meurtre, le meurtre féroce, au degré le plus abominable ! Tous les crimes divers, tous commis sous toutes les formes, se pressent en foule au tribunal et crient tous : Coupable ! coupable ! Je tomberai dans le désespoir.― Il n’y a pas une créature qui m’aime ; et si je meurs, pas une âme n’aura pitié de moi… Et pourquoi auraient-ils pitié de moi ? Moi-même je n’en trouve aucune pour moi dans mon cœur. Il m’a semblé que toutes les âmes de ceux que j’ai fait périr étaient venues dans ma tente, et chacune d’elles avait pour demain crié vengeance sur la tête de Richard.

(Entre Ratcliff.)

Ratcliff. ― Seigneur ?…

Le roi Richard. ― Qui est là ?

Ratcliff. ― Ratcliff, seigneur, c’est moi. Le coq matineux du village a déjà salué deux fois l’aurore. Vos amis sont debout et se couvrent de leur armure.

Le roi Richard. ― Ô Ratcliff, j’ai eu un songe effrayant.― Qu’en penses-tu ? Nos amis seront-ils tous fidèles ?

Ratcliff. ― N’en doutez pas, seigneur.

Le roi Richard. ― Ratcliff, je crains, je crains…

Ratcliff. ― Allons, mon bon seigneur, ne vous laissez pas effrayer par des visions.

Le roi Richard. ― Par l’apôtre saint Paul ! Les ombres que j’ai vues cette nuit ont jeté plus de terreur dans l’âme de Richard que ne pourraient faire dix mille soldats, en chair et en os, armés à toute épreuve, et conduits par l’écervelé Richmond.― Le jour n’est pas encore prêt à paraître. Viens avec moi, je vais faire dans le camp le métier d’écouteur aux portes, pour savoir s’il y