Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1863, tome 8.djvu/143

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
141
ACTE I, SCÈNE I.

NORFOLK.—Un homme, certes, qui n’en est pas à son apprentissage de telles affaires. BUCKINGHAM.—Qui, je vous prie, milord ? NORFOLK.—Tout a été réglé par les bons soins du très-vénérable cardinal d’York. BUCKINGHAM.—Que le diable l’emporte ! Personne ne saurait avoir son écuelle à l’abri de ses doigts ambitieux. Qu’avait-il affaire dans toutes ces vanités guerrières ? Je ne conçois pas que ce pâté de graisse soit parvenu à intercepter de sa masse les rayons du soleil bienfaisant, et à en priver la terre. NORFOLK.—Certainement il faut qu’il ait eu dans son propre fonds de quoi parvenir à ce point ; car n’étant pas soutenu par ces aïeux dont la gloire aplanit le chemin à leurs descendants, n’étant pas distingué par de grands services rendus, ni aidé par des alliés puissants, mais comme l’araignée tirant de lui-même les fils de sa toile, il nous fait voir qu’il n’avance que par la force de son propre mérite ; présent dont le ciel a fait les frais, et qui lui a valu la première place auprès du roi. ABERGAVENNY.—Je ne saurais dire quels présents il a reçus du ciel ; des yeux plus savants que les miens pourraient le découvrir : mais ce que je suis en état de voir, c’est l’orgueil qui lui sort de partout ; et d’où l’a-t-il eu, si ce n’est de l’enfer ? Il faut que le diable soit un avare, ou bien qu’il ait déjà tout donné, et que celui-ci refasse en lui-même un nouvel enfer. BUCKINGHAM.—Eh ! pourquoi diable dans ce voyage de France a-t-il pris sur lui de désigner, sans en parler au roi, ceux qui devaient accompagner Sa Majesté ? Il y a fait passer toute la noblesse, et cela fort peu dans l’intention de les honorer, du moins pour la plupart, mais pour leur imposer une charge ruineuse ; et sur sa simple lettre, sans qu’il vous eût fait l’honneur de prendre l’avis du conseil, ceux à qui il avait écrit étaient obligés d’arriver. ABERGAVENNY.—J’ai trois de mes parents, pour le moins, dont ceci a tellement dérangé les affaires que jamais ils ne se reverront dans leur première aisance.