Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1863, tome 8.djvu/167

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
165
ACTE II, SCÈNE I.

Henri de Buckingham, qui le premier leva la tête contre l’usurpateur Richard, ayant dans sa détresse cherché un asile chez son serviteur Banister, fut trahi par ce misérable, et périt sans jugement. Que la paix de Dieu soit avec lui ! — Henri VII, succédant au trône et touché de pitié de la mort de mon père, en prince digne du trône, me rétablit dans mes honneurs, et fit de nouveau sortir mon nom de ses ruines avec tout l’éclat de la noblesse. Aujourd’hui, son fils Henri VIII a d’un seul coup enlevé de ce monde ma vie, mon honneur, mon nom, et tout ce qui me rendait heureux. On m’a fait mon procès, et, je dois l’avouer, dans les formes les plus convenables, en quoi je suis un peu plus heureux que ne l’a été mon infortuné père ; et cependant, à cela près, nous subissons tous deux la même destinée : tous deux nous périssons par la main de nos domestiques, par les hommes que nous avons le plus aimés ; service bien peu naturel et peu fidèle ! Le Ciel a toujours un but ; cependant, vous qui m’écoutez, recevez pour certaine cette maxime de la bouche d’un mourant : — Prenez garde à ne pas vous trop livrer à ceux à qui vous prodiguez votre amour et vos secrets ; car ceux dont vous faites vos amis, et auxquels vous donnez votre cœur, dès qu’ils aperçoivent le moindre obstacle dans le cours de votre fortune, s’écartent de vous comme l’eau, et vous ne les retrouverez plus que là où ils se disposent à vous engloutir. Vous tous, bon peuple, priez pour moi. Il faut que je vous quitte : la dernière heure de ma vie, depuis longtemps fatiguée, vient maintenant de m’atteindre ; adieu. — Et lorsque vous voudrez parler de quelque chose de triste, dites comment je suis tombé. — J’ai fini ; et que Dieu veuille me pardonner !

(Buckingham sort avec sa suite, et continue sa marche.)

PREMIER BOURGEOIS. — Oh ! cela vous navre le cœur. — Ami, cette mort, je le crains, appelle bien des malédictions sur la tête de ceux qui en sont les auteurs. SECOND BOURGEOIS. — Si le duc est innocent, il en sortira de grands malheurs ; et cependant je puis vous donner