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ACTE III, SCÈNE I.

CATHERINE. — Plût au ciel que mes pas n’eussent jamais foulé cette terre anglaise, que je n’eusse jamais éprouvé les flatteries qui y voient le jour ! Vous avez des visages d’anges ; mais le ciel connaît vos cœurs. Que vais-je maintenant devenir, infortunée que je suis ? Je suis la femme la plus malheureuse qu’il y ait au monde. (À ses femmes.) Hélas ! mes pauvres amies, quel est votre sort maintenant, naufragées sur un royaume où je ne trouve ni pitié, ni ami, ni espoir, aucun parent qui pleure sur moi, où l’on m’accorde à peine un tombeau, où, comme la tige du lis, qui fleurissait jadis reine de la prairie, je vais pencher la tête et mourir ? WOLSEY. — Si Votre Grâce voulait seulement se laisser persuader que nos vues sont honnêtes, vous trouveriez plus de consolation. Pourquoi voudrions-nous, vertueuse dame, vous faire tort dans cette affaire ? à quelle fin ? Hélas ! nos places et le caractère de notre état, tout repousse cette idée. Nous sommes destinés à guérir de tels chagrins et non à les faire naître. Au nom de la vertu, considérez ce que vous faites ; combien vous vous nuisez à vous-même et vous exposez à vous voir séparée tout à fait du roi par cette conduite. Le cœur des rois caresse l’obéissance tant ils en sont amoureux ! mais ils se soulèvent contre les esprits opiniâtres et se montrent terribles comme la tempête. Je sais que vous avez un doux et noble caractère, une âme égale comme le calme ; je vous en conjure, daignez nous croire ce que nous faisons profession d’être, des médiateurs de paix, vos amis et vos serviteurs. CAMPEGGIO. — Madame, vous l’éprouverez. Vous faites tort à vos vertus par ces craintes d’une faible femme. Une âme noble, telle que vous a été donnée la vôtre, rejette toujours loin d’elle de pareilles défiances, comme une monnaie trompeuse. Le roi vous aime ; prenez bien garde de perdre cet avantage. Quant à nous, s’il vous plaît de vous confier à nos soins dans cette affaire, nous sommes prêts à déployer tous nos efforts pour votre service. CATHERINE. — Faites ce que vous jugerez à propos, mi-