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ACTE III, SCÈNE II.

SURREY. — Vous avez fait passer à Rome des sommes innombrables (quant à savoir comment vous les avez acquises, c’est un soin que je laisse à votre conscience), pour soudoyer Rome, et vous aplanir les chemins aux dignités, à la ruine entière du royaume. Il y a bien d’autres faits encore dont je ne souillerai pas ma bouche, parce qu’ils sont relatifs à vous et odieux. LE CHAMBELLAN. — Ah milord, ne poussez pas trop durement un homme qui tombe ; c’est vertu de l’épargner. Ses fautes sont soumises aux lois, que ce soit elles et non pas vous qui le punissent. Mon cœur gémit de le voir réduit à si peu de chose, de si grand qu’il était. SURREY. — Je lui pardonne. SUFFOLK. — Lord cardinal, comme tous les actes que vous avez faits dernièrement dans ce royaume, en vertu des pouvoirs de légat, se trouvent dans le cas d’un præmunire, l’intention du roi est encore qu’on sollicite contre vous un acte qui confisque tous vos biens, vos terres, vos domaines, vos châteaux, tout ce qui vous appartient, et vous mette hors de la protection du roi. Telle est ma charge. NORFOLK. — Et, sur ce, nous vous laissons à vos méditations sur les moyens de vivre mieux à l’avenir. Quant à votre refus obstiné de nous remettre le grand sceau, le roi en sera instruit, et sans doute il vous en remerciera ; et ainsi, adieu, mon bon petit lord cardinal.

(Ils sortent tous, excepté Wolsey.)

WOLSEY, seul. — Et ainsi, adieu à la petite bonne volonté que vous me portez : adieu, long adieu à toutes mes grandeurs ! Voilà la destinée de l’homme : aujourd’hui pointent en lui les tendres feuilles de l’espérance ; demain les fleurs, dont les touffes épaisses le couvrent de leur parure rougissante : le troisième matin survient une gelée, une gelée meurtrière, qui, au moment où dans sa simple bonhomie il croit ses grandeurs en pleine marche vers la maturité, le dessèche jusqu’à la racine ; alors il tombe comme je le fais. — Comme ces enfants étourdis qui nagent soutenus sur des vessies enflées, je me suis aventuré, pendant une longue suite d’étés, sur