Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1863, tome 8.djvu/336

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

VII. — Elle attache avec promptitude à une branche raboteuse la bride garnie de clous d’or. (Oh ! combien l’Amour est adroit !) Voilà le cheval à l’écurie ; elle se met en devoir d’attacher le cavalier ; elle le pousse en arrière, comme elle voudrait être poussée ; elle le gouverne par la force, mais non par le désir.

VIII. — Dès qu’il est à terre, elle s’étend auprès de lui ; tous deux reposent sur leurs coudes et sur leurs hanches ; tantôt elle lui tape sur la joue, tantôt elle fronce le sourcil, et commence à lui adresser des reproches ; mais bientôt elle lui ferme la bouche ; et tout en l’embrassant elle lui parle avec le langage entrecoupé de la volupté. « Si tu veux me gronder, tes lèvres ne souriront plus. »

IX. — Il brûle d’une ardeur timide ; Vénus éteint de ses larmes l’ardeur pudique de ses joues ; puis, avec le souffle de ses soupirs et en agitant ses cheveux d’or, elle cherche à les sécher comme avec un éventail. Il dit qu’elle est immodeste, et il la blâme ; elle étouffe par un baiser ce qu’il allait ajouter.

X. — Comme un aigle affamé, excité par un long jeûne, déchire de son bec les plumes, les os et la chair, et secouant ses ailes dévore tout ce qu’il rencontre, jusqu’à ce qu’il ait assouvi son double gosier, ou que la proie ait disparu tout entière ; de même Vénus baisait le front d’Adonis, ses joues, ses lèvres ; et là où elle finit, là elle recommence.

XI. — Forcé de céder, mais sans jamais obéir, il est étendu haletant, son haleine arrive au visage de Vénus ; elle se repaît de cette vapeur comme d’une proie, et l’appelle une rosée céleste, un air embaumé ; elle voudrait que ses propres joues fussent changées en parterres de fleurs, pourvu qu’elles fussent humectées par cette rosée vivifiante.

XII. — Voyez un oiseau pris dans un filet ; tel est Adonis enchaîné dans ses bras : sa timidité pure et sa résistance domptée lui donnent un air boudeur, qui ajoute de nouveaux charmes à ses yeux irrités : la pluie qui tombe dans un fleuve déjà plein l’oblige à franchir ses bords.

XIII. — Vénus supplie encore, elle supplie avec grâce, car elle module sa voix pour charmer l’oreille de ce qu’elle aime. Il reste sombre, il refuse et boude, tour à tour rouge de honte et pâle de colère ; s’il rougit, elle l’aime davantage ; ce qu’elle préférait disparaît devant des transports plus vifs encore.

XIV. — Comme il se montre, elle ne peut que l’aimer ; elle jure par sa main immortelle de ne jamais s’éloigner de son sein qu’il n’ait capitulé avec ses larmes qui coulent tou-