Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1863, tome 8.djvu/421

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grand entre toi et moi puisque tu aimes l’une, et moi l’autre ; tu chéris Dorsland qui ravit tous les sens en jouant divinement du luth, Spencer m’est cher par la profondeur de son imagination, qui, dépassant toute imagination, n’a pas besoin qu’on la défende. Tu aimes à entendre les sons mélodieux et doux que produit le luth de Phébus, le roi de la musique, et moi je suis surtout plongé dans les délices quand il se met à chanter. Les poëtes prétendent que le même dieu règne sur toutes deux, le même chevalier les arme toutes deux, et tu les possèdes toutes deux.

VII

La matinée était belle lorsque la belle reine d’amour[1]……… plus pâle dans sa tristesse que sa blanche colombe, par amour pour Adonis, jeune homme fier et indompté, vint se poster sur une colline escarpée ; voici Adonis qui arrive avec son cor et ses chiens ; elle, pauvre reine, avec la bonne volonté d’un amour exalté, défend au jeune homme de passer ces limites. « Une fois, dit-elle, j’ai vu un beau jeune homme là-bas dans ces bruyères, gravement blessé par un sanglier ; il avait reçu un coup dans la cuisse, c’était un spectacle déplorable. Vois ma cuisse, dit-elle, c’était là qu’était la blessure, » elle lui montre la sienne, il voit plus d’une blessure et rougissant il s’enfuit et la laisse seule.

VIII

Douce rose, belle fleur, trop tôt cueillie, bientôt flétrie, cueillie, en bouton, flétrie au printemps. Belle perle d’Orient, trop tôt obscurcie, belle créature trop tôt percée par le cruel aiguillon de la mort ! comme une prune verte suspendue à un arbre, que le vent fait tomber avant son temps. Je te pleure, et cependant je n’en ai point de raison ; pourquoi ? tu ne m’as rien laissé dans ton testament. Cependant tu m’as laissé plus que je ne demandais ; pourquoi ? je ne te demandais rien ; oh ! oui, chère amie, je te demande pardon, tu m’as laissé ton inconstance même.

IX

Vénus avec Adonis, assis près d’elle, à l’ombre d’un myrte, commençait à lui faire la cour ; elle dit au jeune homme comment le dieu Mars l’avait recherchée, et comment elle s’était éprise de lui, quand il s’était épris d’elle. C’était ainsi, disait-elle que le dieu de la guerre m’embrassait, et alors elle secouait Adonis dans ses bras ; c’était ainsi, disait-elle, que le dieu de la guerre me délaçait, comme si l’enfant qu’elle avait près d’elle allait user des mêmes charmes amoureux ; voilà, disait-elle, comme il s’emparait de mes lèvres, et elle s’empa-

  1. Le second vers est perdu