Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1863, tome 8.djvu/423

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de mes yeux, pendant que Philomède chante assise sur son lit, assis je l’écoute, et je souhaiterais que ses chants fussent accordés sur le même ton que ceux de l’alouette.

Car celle-ci salue le jour par ses chansons, elle chasse la nuit sombre aux tristes rêves ; la nuit disparue, je m’élance chez ma belle, mon cœur retrouve son espérance, mes yeux le spectacle qu’ils désiraient, ma tristesse se change en consolation, ma consolation est mêlée de tristesse ; pourquoi ? Elle a soupiré et m’a dit de revenir demain.

Si j’étais avec elle, la nuit s’écoulerait trop vite, mais maintenant les heures ont des minutes de surcroît ; pour me désoler, chaque minute semble une heure ; cependant, ô soleil, brille, non pour moi, mais pour venir en aide aux fleurs ! Nuit, disparais ; jour, commence à poindre ; ô bon jour, emprunte aujourd’hui à la nuit ; nuit, abrége-toi pour cette nuit, tu t’allongeras demain.

SONNETS SUR DIVERS AIRS EN MUSIQUE
XIV

C’était la fille d’un seigneur, la plus belle des trois sœurs, qui aimait son maître autant que possible, jusqu’à ce qu’ayant vu un Anglais le plus beau qu’on pût voir, son caprice vint à changer. L’issue du combat fut longtemps douce, l’amour lutta avec l’amour pour savoir s’il fallait laisser le maître sans amante, ou tuer le brave chevalier ; l’une ou l’autre des deux alternatives était pénible à la pauvre damoiselle. Mais il fallait refuser l’un des deux, c’était là ce qu’il y avait de triste, il n’y avait rien à faire pour profiter de tous les deux ; entre les deux, le brave chevalier fut blessé par son dédain. Hélas ! elle n’y pouvait rien. Aussi l’art luttant contre les armes remporta la victoire ; par le don de la science il remporta la belle ; Lullaby, Lullaby, le savant tient la belle dame, et là-dessus ma chanson est finie.

XV

Un beau jour (jour funeste), l’amour, qui a toujours régné sur le mois de mai, aperçut une fleur d’une beauté rare qui jouait voluptueusement dans les airs. Le vent nuisible commençait à trouver passage entre les pétales veloutés, et l’amant qui se mourait d’amour aurait voulu être le souffle du ciel. L’air, disait-il, peut souffler sur tes joues. Air, si je pouvais triompher comme toi ! mais, hélas ! ma main a juré de ne jamais te séparer de tes épines, vœu, hélas, bien imprudent pour la jeunesse, pour la jeunesse toujours prête à cueillir une fleur. Toi pour qui Jupiter jurerait que Junon est