Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 1.djvu/22

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
16
ÉTUDE

sans doute dans un moment de persécution, et contenant une profession de foi catholique, en quatorze articles qui commencent tous par ces mots : « Moi, John Shakspeare. » Le pouvoir toujours croissant des doctrines réformées avait peut-être rendu les devoirs d’alderman plus difficiles pour un catholique qui, avec l’âge, pouvait aussi être devenu plus scrupuleux sur ceux de sa foi.

Ce fut le 23 avril 1564 que naquit William Shakspeare, le troisième ou le quatrième de neuf, de dix, ou peut-être même de onze enfants, qui formèrent, à ce qu’il paraît, la famille de John. William était, il y a lieu de le croire, le premier des enfants mâles, l’aîné des espérances de son père. La prospérité et la considération appartenaient certainement alors à cette famille dont, cinq ans après, on voit le chef revêtu du premier emploi de sa ville natale. On peut donc admettre que l’éducation de Shakspeare, dans ses jeunes années, répondit à ce que suppose une telle situation ; et lorsque ensuite un changement de fortune, quelle qu’en ait été la cause, vint interrompre ses études, il avait probablement acquis ces premières habitudes d’une éducation libérale qui suffisent à un homme supérieur pour débarrasser son esprit de la gaucherie de l’ignorance, et le mettre en possession des formes convenues dont il a besoin de savoir revêtir sa pensée. C’est là plus qu’il n’en faut pour expliquer comment Shakspeare manqua des connaissances qui constituent une bonne éducation, en possédant les élégances qui l’accompagnent.

Shakspeare n’avait pas quinze ans lorsqu’il fut retiré des écoles pour aider, dans son commerce, son père appauvri. C’est alors que, selon la tradition d’Aubrey, William aurait exercé les sanglantes fonctions attachées à l’état de boucher. Cette supposition révolte aujourd’hui les commentateurs du poëte ; mais une circonstance rapportée par Aubrey ne permet guère d’en douter, et révèle en même temps cette imagination déjà incapable de s’assujettir à de vils emplois sans y joindre quelque idée,