pin et le cèdre, saisis par leurs éperons, ont été arrachés de la terre ; à mon ordre, les tombeaux ont réveillé leurs habitants endormis ; ils se sont ouverts et les ont laissés fuir, tant mon art a de puissance ! Mais j’abjure ici cette rude magie ; et quand je vous aurai demandé, comme je le fais en ce moment, quelques airs d’une musique céleste pour produire sur leurs sens l’effet que je médite et que doit accomplir ce prodige aérien, aussitôt je brise ma baguette ; je l’ensevelis à plusieurs toises dans la terre, et plus avant que n’est jamais descendue la sonde je noierai sous les eaux mon livre magique.
Qu’une musique solennelle, que les sons les plus propres à calmer une imagination en désordre guérissent ton cerveau, maintenant inutile et bouillonnant au-dedans de ton crâne. Demeurez là, car un charme vous enchaîne. — Pieux Gonzalo, homme honorable, mes yeux, touchés de sympathie à la seule vue des tiens, laissent couler des larmes compagnes de tes larmes. — Le charme se dissout par degrés ; et comme on voit l’aurore s’insinuer aux lieux où règne la nuit, fondant les ténèbres, de même leur intelligence chasse en s’élevant les vapeurs imbéciles qui enveloppaient les clartés de leur raison. Ô mon vertueux Gonzalo, mon véritable sauveur, sujet loyal du prince que tu sers, je veux dans ma patrie payer tes bienfaits en paroles et en actions. — Toi, Alonzo, tu nous as traités bien cruellement, ma fille et moi. Ton frère t’excita à cette action ; — tu en pâtis, maintenant, Sébastien. — Vous, mon sang, vous formé de la même chair que moi, mon frère, qui, vous laissant séduire à l’ambition, avez chassé le remords et la nature ; vous qui avec Sébastien (dont les déchirements intérieurs redoublent pour ce crime) vouliez ici assassiner votre roi ; tout dénaturé que vous êtes, je vous pardonne. — Déjà se gonfle le flot de leur enten-