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CORIOLAN.

ménénius.—Allez regagner votre maison : partez, sortez d’ici, ou tout est perdu.

second sénateur.—Partez.

coriolan.—Tenez ferme, nous avons autant d’amis que d’ennemis.

ménénius.—Quoi ! nous en viendrions à cette extrémité !

un sénateur.—Que les dieux nous en préservent ! Mon noble ami, je t’en conjure, retire-toi dans ta maison ; laisse-nous apaiser cette affaire.

ménénius.—C’est une plaie que vous ne pouvez guérir vous-même. Partez, je vous en conjure.

cominius.—Allons, Coriolan, venez avec nous.

ménénius.—Je voudrais qu’ils fussent des barbares (ils le sont, quoique nés sur le fumier de Rome), et non des Romains (ils ne le sont pas en effet, quoiqu’ils mugissent près des portiques du Capitole).—Éloignez-vous : abstenez-vous d’exprimer votre noble courroux ; attendez un temps plus favorable.

coriolan.—En champ libre, j’en voudrais battre quarante, à moi seul.

ménénius.—Moi-même, j’en prendrais pour ma part deux des plus résolus : oui, les deux tribuns.

cominius.—Mais en ce moment tout ces calculs ne sont pas de saison ; et le courage devient folie quand il attaque un rempart qui va l’écraser de ses ruines. Voulez-vous vous éloigner, avant que la populace revienne ? Sa fureur, comme un torrent dont on interrompt le cours, renverse les digues qui la contenaient.

ménénius.—Je vous en prie, partez d’ici, j’essayerai si ma vieille sagesse sera de mise avec cette multitude qui n’en a pas beaucoup. Il faut boucher les trous, n’importe avec quelle étoffe.

cominius.—Allons ! venez.

(Coriolan et Cominius sortent.)

premier sénateur.—C’est un homme qui a pour jamais compromis sa fortune.

ménénius.—Il est d’une nature trop noble pour le monde. Il ne flatterait pas Neptune lui-même pour obte-