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ACTE III, SCÈNE I.

nir son trident, ni Jupiter pour disposer de sa foudre : sa bouche est son cœur. Tout ce que son sein enfante, il faut que sa langue le déclare ; et lorsqu’il est irrité, il oublie jusqu’au nom de la mort. Voici un beau tumulte !

(On entend un bruit confus.)

second sénateur.—Je voudrais que tous ces plébéiens fussent dans leur lit.

ménénius.—Et moi qu’il fussent engloutis dans le Tibre.—Diantre, pourquoi ne leur a-t-il pas parlé plus doucement ?

(Brutus et Sicinius paraissent ; ils reviennent suivis de la populace.)

sicinius.—Où est-elle cette vipère qui voudrait dépeupler Rome, et remplacer, à elle seule, tous ses habitans ?

ménénius.—Respectables tribuns !…

sicinius.—Il faut qu’il soit précipité sans pitié de la roche Tarpéienne. Il s’est révolté contre la loi ; la loi ne daignera point lui accorder d’autre forme de procès que la sévérité de cette puissance populaire qu’il affecte de mépriser.

premier citoyen.—Nous lui ferons bien voir que les nobles tribuns sont la voix du peuple, et nous les bras.

tout le peuple.—Il le verra, soyez-en sûr.

ménénius.—Citoyens !…

sicinius.—Taisez-vous !

ménénius.—Ne criez pas : tue ; quand vous devriez lancer un simple mandat.

sicinius.—Et vous, comment arrive-t-il que vous ayez prêté la main à son évasion ?

ménénius.—Laissez-moi parler.—Je connais toutes les qualités du consul ; mais aussi je sais avouer ses fautes.

sicinius.—Du consul !… Quel consul ?

ménénius.—Le consul Coriolan.

brutus.—Lui, consul !

tout le peuple.—Non, non, non, non.

ménénius.—Bons citoyens, si je puis obtenir des tribuns et de vous la faveur d’être entendu, je ne veux vous dire qu’une parole ou deux ; tout le mal qui peut en