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ANTOINE ET CLÉOPÂTRE.

coup aimé ; mais j’ai fait votre éloge, quand vous méritiez dix fois plus de louanges que je ne le disais.

Pompée.

Conserve ta franchise, elle te sied bien. — Je vous invite tous à bord de ma galère. Voulez-vous me précéder, seigneurs ?

Tous.

Montrez-nous le chemin.

Pompée.

Allons, venez.

(Pompée, César, Antoine, Lépide, les soldats et la suite sortent.)

Ménas, à part.

Ton père, Pompée, n’eût jamais fait ce traité. (À Énobarbus.) Nous nous sommes connus, seigneur ?

Énobarbus.

Sur mer, je crois.

Ménas.

Oui, seigneur.

Énobarbus.

Vous avez fait des prouesses sur mer.

Ménas.

Et vous sur terre.

Énobarbus.

Je louerai toujours qui me louera. Mais on ne peut nier mes exploits sur terre.

Ménas.

Ni mes exploits de mer non plus.

Énobarbus.

Oui, mais il y a quelque chose que vous pouvez nier, pour votre sûreté. — Vous avez été un grand voleur sur mer.

Ménas.

Et vous sur terre.

Énobarbus.

À ce titre, je nie mes services de terre. — Mais donnez-moi votre main, Ménas : si nos yeux avaient quelque autorité, ils pourraient surprendre deux voleurs qui s’embrassent.

Ménas.

Le visage des hommes est sincère, quoi que fassent leurs mains.

Énobarbus.

Mais il n’y eut jamais une belle femme dont le visage fût sincère.

Ménas.

Ce n’est pas une calomnie : elles volent les cœurs.

Énobarbus.

Nous sommes venus ici pour vous combattre.

Ménas.

Quant à moi, je suis fâché que cela soit changé en débauche. Pompée, aujourd’hui, perd sa fortune en riant.

Énobarbus.

Si cela est, il est sûr que ses larmes ne la rappelleront pas.