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ACTE III, SCÈNE II.

Énobarbus.

César ? mais c’est le Jupiter des hommes.

Agrippa.

Et Antoine ? Le dieu de ce Jupiter ?

Énobarbus, contrefaisant Lépide

Vous parlez de César ? Comment, de ce sans pareil ?

Agrippa.

Ô Antoine ! ô oiseau d’Arabie[1] !

Énobarbus.

Voulez-vous vanter César ? dites César, et restez-en là.

Agrippa.

Vraiment, il leur a appliqué à tous deux d’excellentes louanges.

Énobarbus.

Mais c’est César qu’il aime le mieux : cependant il aime Antoine. Oh ! le cœur, la langue, les chiffres, les scribes, les bardes, les poètes ne peuvent penser, exprimer, peindre, écrire, chanter, calculer son amour pour Antoine. Mais pour César : à genoux, à genoux, et admirez.

Agrippa.

Il les aime tous deux.

Énobarbus.

Ils sont les ailes et lui l’escarbot ; ainsi… (Fanfares.) Mais voici le signal pour monter à cheval… Adieu, noble Agrippa.

Agrippa.

Bonne fortune, brave soldat ; adieu.

(Entrent Antoine, César, Lépide, Octavie.)
Antoine.

Seigneur, n’allez pas plus loin.

César.

Vous m’enlevez la plus chère portion de moi-même. Songez à me bien traiter dans sa personne. — Ma sœur, soyez une épouse telle que ma pensée vous peint à mes yeux, et que votre conduite justifie tout ce que je garantirais de vous. — Noble Antoine, que ce modèle de vertu, qui est placé entre nous comme le ciment de notre amitié pour la soutenir, ne devienne jamais le bélier qui en renverse l’édifice ; car il aurait été plus aisé de nous aimer sans ce nouveau lien, si nous ne le soignons pas chacun de notre côté.

Antoine.

Ne m’offensez pas par votre défiance.

César.

J’ai dit.

Antoine.

Quelque scrupuleux que vous soyez sur ce point, vous ne trouverez pas le moindre sujet aux craintes qui paraissent vous alarmer. Que les dieux vous gar-

  1. Le Phénix.