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ACTE III, SCÈNE IV.

Charmiane.

Rien du tout, madame.

Cléopâtre.

Cet homme a vu parfois de la majesté et doit s’y connaître.

Charmiane.

S’il en a vu ? Bonne Isis ! Lui qui a été si longtemps à votre service ?

Cléopâtre.

J’aurais encore une question à lui faire, chère Charmiane ; mais peu importe : tu me l’amèneras là où j’écrirai. Je crois que tout ira bien.

Charmiane.

J’en réponds, madame.

(Elles sortent.)



Scène IV

Athènes. — Appartement de la maison d’Antoine.
Entrent ANTOINE, OCTAVIE.
Antoine.

Non, non, Octavie, j’excuserais ce tort-là et mille autres de ce genre ; mais il a rallumé la guerre contre Pompée, il a fait son testament et l’a rendu public. Il a parlé de moi avec dédain ; et, lors même qu’il ne pouvait s’empêcher de me rendre un témoignage honorable, c’était avec froideur et dégoût ; il m’a fait bien petite mesure. Toutes les fois qu’on a ouvert sur mon compte une opinion favorable, il a fait la sourde oreille, ou ne s’est expliqué que du bout des dents.

Octavie.

Ah ! mon cher seigneur, ne croyez pas tout ; ou, si vous croyez tout, ne vous offensez pas de tout. S’il faut que cette rupture arrive, jamais femme plus malheureuse que moi ne se trouva, entre les partis, obligée de prier pour tous deux. Les dieux se moqueront désormais de mes prières, lorsque je leur dirai : Ah ! protégez mon seigneur et mon époux ! et que, démentant aussitôt cette prière, je leur crierai de la même voix : Ah ! protégez mon frère ! La victoire pour mon époux, la victoire pour mon frère ! Je prierai et je contredirai ma prière. Point de milieu entre ces deux extrémités.

Antoine.

Douce Octavie, que votre amour préfère celui qui se montrera plus jaloux de le conserver. Si je perds mon honneur, je me perds moi-même. Il vaudrait