Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/215

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Premier garde.

Qu’est-ce que tout ceci ? Est-ce bien fait, Charmiane ?

Charmiane.

C’est bien fait, et c’est digne d’une princesse issue de tant de rois illustres… Ah ! soldat !…

(Elle expire.)
Dolabella entre.

Comment cela va-t-il ici ?

Second garde.

Tout est mort.

Dolabella.

César, tes conjectures ont rencontré juste : tu viens voir de tes yeux l’acte funeste que tu as tant cherché à prévenir.

(On entend crier derrière le théâtre.)

Place ; faites place à César.

(Entrent César et sa suite.)
Dolabella.

Ah ! seigneur, vous êtes un devin trop habile : ce que vous craigniez est arrivé.

César.

Brave jusqu’à la fin, elle a pénétré notre dessein, et en souveraine elle a suivi sa volonté. — Le genre de leur mort ? Je ne vois sur elle aucune trace de sang.

Dolabella.

Qui les a quittées le dernier ?

Premier garde.

Un pauvre paysan qui leur a apporté des figues. Voilà encore sa corbeille.

César.

Empoisonnées alors ?

Premier garde.

César, Charmiane, que vous voyez là, vivait encore il n’y a qu’un moment. Elle était debout et parlait. Je l’ai trouvée arrangeant le diadème sur le front de sa maîtresse morte ; elle tremblait en se tenant debout, et tout à coup elle est tombée.

César.

Ô noble faiblesse !… Si elles avaient avalé du poison, on le reconnaîtrait à quelque enflure extérieure. Mais elle semble s’être endormie comme si elle voulait attirer encore un autre Antoine dans les filets de ses grâces.

Dolabella.

Là, sur son sein, paraît une trace de sang et un peu d’enflure ; la même marque paraît sur son bras.

Premier garde.

C’est la trace d’un aspic ; et ces feuilles de figuier ont sur elles une viscosité comme celle que les aspics laissent après eux dans les cavernes du Nil.

César.

Il est probable que c’est ainsi qu’elle est