Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/238

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tenant par la main, parcourant les terres et les mers, ainsi tournent, tournent, trois fois pour le tien, trois fois pour le mien, et trois fois encore pour faire neuf. Paix ! le charme est accompli.

(Macbeth et Banquo paraissent, traversant cette plaine de bruyères ; ils sont suivis d’officiers et de soldats.)

MACBETH. — Je n’ai jamais vu de jour si sombre et si beau.

BANQUO. — Combien dit-on qu’il y a d’ici à Fores ? —Quelles sont ces créatures si décharnées et vêtues d’une manière si bizarre ? Elles ne ressemblent point aux habitants de la terre, et pourtant elles y sont.—Êtes-vous des êtres que l’homme puisse questionner ? Vous semblez me comprendre, puisque vous placez toutes trois à la fois

    sorcières de Shakspeare, étaient aussi, selon quelques auteurs, celles que la mythologie scandinave attribuait aux walkyries. Mais on oppose à cette opinion de Warburton, que les walkyries étaient très-belles, et ne peuvent être représentées par les sorcières de Shakspeare avec leurs barbes ; que, d’ailleurs, les walkyries étaient plus de trois, ce qui paraît être le nombre fixe des weird sisters. Il y a lieu de croire que ces divinités avaient du rapport avec les Parques ; et un ancien auteur anglais (Gawin Douglas), qui a donné une traduction de Virgile, y rend en effet le nom de Parcæ par ceux weird sisters, et on trouve le mot wierd ou weird employé dans le même sens par d’autres auteurs. D’autres en ont fait un substantif, et l’ont employé dans le sens de prophétie, d’après la signification du mot anglo-saxon wyrd, d’où il est dérivé. Ce qui paraît clair, c’est que Shakspeare, de même que dans la Tempête, au lieu de s’astreindre à suivre exactement un système de mythologie, a réuni sur un même personnage les diverses attributions appartenant à des êtres d’ordres fort différents, et a présenté comme identiques les sœurs du destin (weird sisters) et les sorcières (witches) que la chronique d’Hollinshed distingue positivement, attribuant la première prédiction faite à Macbeth et à Banquo aux weird sisters, tandis qu’elle attribue les prédictions subséquentes à certains sorciers et sorcières (wizards et witches), en qui Macbeth avait grande confiance, et qu’il consultait habituellement. Les weird sisters étaient des êtres surnaturels, de véritables déesses qui ne se communiquaient aux mortels que par des apparitions, tandis que les sorciers et les sorcières étaient simplement des hommes et des femmes initiés dans les mystères diaboliques de la sorcellerie. Shakspeare a de plus subordonné ses sorcières à Hécate, divinité du paganisme.