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ACTE I, SCÈNE III.

Casca : sous ce ciel orageux, il ne fait pas bon se promener dehors.

(Cicéron sort.)
(Entre Cassius.)

casca. — Adieu, Cicéron !

cassius. — Qui va là ?

casca. — Un Romain.

cassius. — C’est la voix de Casca.

casca. — Votre oreille est bonne, Cassius, qu’est-ce que c’est qu’une nuit pareille ?

cassius. — Une nuit agréable aux honnêtes gens.

casca. — Qui a jamais vu les cieux menacer ainsi ?

cassius. — Ceux qui ont vu la terre aussi pleine de crimes. Pour moi, je me suis promené le long des rues, m’exposant à cette nuit périlleuse ; et mes vêtements ouverts comme vous le voyez, Casca, j’ai présenté ma poitrine nue à la pierre du tonnerre[1] ; et lorsque le sillon bleuâtre entr’ouvrait le sein du firmament, je me plaçais dans la direction de son trait flamboyant.

casca. — Mais pourquoi tentiez-vous ainsi les cieux ! C’est aux hommes à craindre et à trembler quand les dieux tout-puissants envoient en témoignages d’eux-mêmes ces hérauts formidables pour nous épouvanter ainsi.

cassius. — Vous ne savez pas comprendre, Casca ; et ces étincelles de vie que devrait renfermer en lui-même un Romain vous manquent, ou vous demeurent inutiles. Vous pâlissez, vous paraissez interdit et saisi de crainte ; vous vous abandonnez à l’étonnement en voyant cette étrange impatience des cieux : mais si vous vouliez remonter à la vraie cause et chercher pourquoi tous ces feux, tous ces spectres glissant dans l’ombre ; pourquoi ces oiseaux, ces animaux qui s’écartent des lois de leur espèce pourquoi ces vieillards imbéciles, ces enfants qui prophétisent ; pourquoi, de leur règle ordinaire, de leur nature propre, de leur manière d’être préordonnée, toutes ces choses passent ainsi à une existence mont-

  1. Thunder-stone. Shakspeare parie encore ailleurs de cette pierre du tonnerre.