Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/298

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MACDUFF, à Rosse. — Mon bon et cher cousin, soyez le bienvenu.

MALCOLM. — Je le reconnais à présent. Dieu de bonté, écarte promptement les causes qui nous rendent ainsi étrangers les uns aux autres.

ROSSE. — Amen, seigneur.

MACDUFF. — L’Écosse est-elle toujours à sa place ?

ROSSE. — Hélas ! pauvre pays qui n’ose presque plus se reconnaître ! On ne peut l’appeler notre mère, mais notre tombeau, cette patrie où l’on n’a jamais vu sourire que ce qui est privé d’intelligence ; où l’air est déchiré de soupirs, de gémissements, de cris douloureux qu’on ne remarque plus ; où la violence de la douleur est regardée comme une folie ordinaire[1] ; où la cloche mortuaire sonne sans qu’à peine on demande pour qui ; où la vie des hommes de bien expire avant que soit séchée la fleur qu’ils portent à leur chapeau, ou même avant qu’elle commence à se flétrir.

MACDUFF. — O récit trop exact, et cependant trop vrai !

MALCOLM. — Quel est le malheur le plus nouveau ?

ROSSE. — Le malheur qui date d’une heure fait siffler celui qui le raconte ; chaque minute en enfante un nouveau.

MACDUFF. — Comment se porte ma femme ?

ROSSE. — Mais, bien.

MACDUFF. — Et tous mes enfants ?

ROSSE. — Bien aussi.

MACDUFF. — Et le tyran n’a pas attenté à leur paix ?

ROSSE. — Non, ils étaient bien en paix quand je les ai quittés.

MACDUFF. — Ne soyez point avare de paroles : comment cela va-t-il ?

ROSSE. — Lorsque je suis arrivé ici pour apporter les nouvelles qui me pèsent si cruellement, le bruit courait que plusieurs hommes de cœur s’étaient mis en campagne ; et, d’après ce que j’ai vu des forces que le tyran à sur pied en ce moment, je suis disposé à le croire.

  1. Modern ecstasy.