Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/329

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du coucher : mes affaires pour cet instant m’appellent loin de vous.

ANTIPHOLUS.—Adieu donc, jusqu’à tantôt.—Moi, je vais aller me perdre, et errer çà et LA pour voir la ville.

LE MARCHAND.—Monsieur, je vous souhaite beaucoup de satisfaction.

(Le marchand sort.)

ANTIPHOLUS seul.—Celui qui me souhaite la satisfaction me souhaite ce que je ne puis obtenir. Je suis dans le monde comme une goutte d’eau qui cherche dans l’Océan une autre goutte ; et qui, ne pouvant y retrouver sa compagne, se perd elle-même errante et inaperçue. C’est ainsi que moi, infortuné, pour trouver une mère et un frère, je me perds moi-même en les cherchant.

(Entre Dromio d’Éphèse.)

ANTIPHOLUS, apercevant Dromio.—Voici l’almanach de mes dates—Comment ? par quel hasard es-tu de retour si tôt ?

DROMIÔ d’Éphèse.—De retour si tôt, dites-vous ? je viens plutôt trop tard. Le chapon brûle, le cochon de lait tombe de la broche : l’horloge a déjà sonné douze coups : et ma maîtresse a fait sonner une heure sur ma joue, tant elle est enflammée de colère, parce que le dîner refroidit. Le dîner refroidit parce que vous n’arrivez point au logis ; vous n’arrivez point au logis, parce que vous n’avez point d’appétit ; vous n’avez point d’appétit, parce que vous avez bien déjeuné : mais nous autres, qui savons ce que c’est que de jeûner et de prier, nous faisons pénitence aujourd’hui de votre faute.

ANTIPHOLUS.—Gardez votre souffle, monsieur, et répondez à ceci, je vous prie : où avez-vous laissé l’argent que je vous ai remis ?

DROMIO.—Oh ! —Quoi ? les six sous que j’ai eus mercredi dernier, pour payer au sellier la croupière de ma maîtresse ? —C’est le sellier qui les a eus, monsieur ; je ne les ai pas gardés.

ANTIPHOLUS.—Je ne suis pas en ce moment d’humeur à plaisanter : dis-moi, et sans tergiverser, où est l’argent ? Nous sommes étrangers ici ; comment oses-tu te fier