Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/335

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ADRIANA.—Retourne vers lui, misérable, et ramène-le au logis.

DROMIO.—Oui, retourne vers lui, pour te faire renvoyer encore au logis avec des coups ! Au nom de Dieu ! envoyez-y quelque autre messager.

ADRIANA.—Retourne, esclave, ou je vais te fendre la tête en quatre8.

Niote 8 : (retour)

I will break thy pate a cross,

DROM. And he will bless that cross with other beating.

DROMIO.—Et lui bénira cette croix avec d’autres coups ; entre vous deux j’aurai une tête bien sainte.

ADRIANA.—Va-t’en, rustre babillard ; ramène ton maître à la maison.

DROMIO.—Suis-je aussi rond avec vous que vous l’êtes avec moi, pour que vous me repoussiez comme une balle de paume ? Vous me repoussez vers lui et lui me repoussera de nouveau vers vous. Si je continue longtemps ce service, vous ferez bien de me recouvrir de cuir9.

(Il sort.)

Niote 9 : (retour) On comprend que rond est ici synonyme de sphérique.

LUCIANA.—Fi ! comme l’impatience rembrunit votre visage !

ADRIANA.—Il faut donc qu’il gratifie de sa compagnie ses favorites, tandis que moi je languis au logis après un sourire. Le temps importun a-t-il ravi la beauté séduisante de mon pauvre visage ? Alors, c’est lui qui l’a flétri. Ma conversation est-elle ennuyeuse, mon esprit stérile ? Si je n’ai plus une conversation vive et piquante, c’est sa dureté pire que celle du marbre qui l’a émoussée. Leur brillante parure attire-t-elle ses affections ? Ce n’est pas ma faute : il est le maître de mes biens. Quels ravages y a-t-il en moi qu’il n’ait causés ? Oui, c’est lui seul qui a altéré mes traits.—Un regard joyeux ranimerait bientôt ma beauté ; mais, cerf indomptable, il franchit les palissades et va chercher pâture loin de ses foyers. Pauvre infortunée, je ne suis plus pour lui qu’une vieille surannée.