Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/337

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DROMIO.—Je ne vous ai pas revu depuis que vous m’avez envoyé d’ici au Centaure, avec l’or que vous m’aviez confié.

ANTIPHOLUS.—Coquin, tu m’as nié avoir reçu ce dépôt, et tu m’as parlé d’une maîtresse et d’un dîner, ce qui me déplaisait fort, comme tu l’as senti, j’espère.

DROMIO.—Je suis fort aise de vous voir dans cette veine de bonne humeur : mais que veut dire cette plaisanterie ? Je vous en prie, mon maître, expliquez-vous.

ANTIPHOLUS.—Quoi ! veux-tu me railler encore, et me braver en face ? Penses-tu que je plaisante ? Tiens, prends ceci et cela.

(Il le frappe.)

DROMIO.—Arrêtez, monsieur, au nom de Dieu ! votre badinage devient un jeu sérieux. Quelle est votre raison pour me frapper ainsi ?

ANTIPHOLUS.—Parce que je te prends quelquefois pour mon bouffon, et que je cause familièrement avec toi, ton insolence se moquera de mon affection, et interrompra sans façon mes heures sérieuses ! Quand le soleil brille, que les moucherons folâtrent ; mais dès qu’il cache ses rayons, qu’ils se glissent dans les crevasses des murs. Quand tu voudras plaisanter avec moi, étudie mon visage, et conforme tes manières à ma physionomie, ou bien je te ferai entrer à force de coups cette méthode dans ta calotte.

DROMIO.—Dans ma calotte, dites-vous ? Si vous cessez votre batterie, je préfère que ce soit une tête ; mais si vous faites durer longtemps ces coups, il faudra me procurer une calotte pour ma tête, et la mettre à l’abri, sans quoi il me faudra chercher mon esprit dans mes épaules.—Mais, de grâce, monsieur, pourquoi me battez-vous ?

ANTIPHOLUS.—Ne le sais-tu pas ?

DROMIO.—Je ne sais rien, monsieur, si ce n’est que je suis battu.

ANTIPHOLUS.—Te dirai-je pourquoi ?

DROMIO.—Oui, monsieur, et le parce que. Car on dit que tout pourquoi a son parce que.