Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/378

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suivi de son esclave forcené comme lui ; tous deux poussés par une rage effrénée, les épées hors du fourreau, nous ont rencontré, et sont venus fondre sur nous ; ils nous ont mis en fuite, jusqu’à ce que pourvus de nouveaux renforts nous soyons revenus pour les lier ; alors ils se sont sauvés dans cette abbaye, où nous les avons poursuivis. Et voilà que l’abbesse nous ferme les portes, et ne veut pas nous permettre de le chercher, ni le faire sortir, afin que nous puissions l’emmener. Ainsi, très-noble duc, par votre autorité, ordonnez qu’on l’amène et qu’on l’emporte chez lui, pour y recevoir des secours.

LE DUC.—Votre mari a servi jadis dans mes guerres ; et je vous ai engagé ma parole de prince, lorsque vous l’avez admis à partager votre lit, de lui faire tout le bien qui pourrait dépendre de moi.—Allez, quelqu’un de vous, frappez aux portes de l’abbaye, et dites à la dame abbesse de venir me parler : je veux arranger ceci, avant de passer outre.

(Entre un domestique.)

LE DOMESTIQUE.—Ô ma maîtresse, ma maîtresse, courez vous cacher et sauvez vos jours. Mon maître et son esclave sont tous deux lâchés : ils ont battu les servantes l’une après l’autre et lié le docteur, dont ils ont flambé la barbe avec des tisons allumés32 ; et à mesure qu’elle brûlait, ils lui ont jeté sur le corps de grands seaux de fange infecte, pour éteindre le feu qui avait pris à ses cheveux. Mon maître l’exhorte à la patience, tandis que son esclave le tond avec des ciseaux, comme un fou33 ; et sûrement, si vous n’y envoyez un prompt secours, ils tueront à eux deux le magicien.

Niote 32 : (retour)

Cette risible circonstance devait trouver place ici dans une comédie ; mais, proh pudor ! on la retrouve dans le plus classique de tous les poètes, au milieu des horreurs du carnage d’une bataille :

Obvius ambustum torrem Corynæus ab ord Corripit, et venienti Ebuso, plagamque ferenti Occupat os flammis : olli ingens barba reluxit, Nidoremque ambusta dédit.

VIRGILE, Enéide, livre XII, v. 298.

Niote 33 : (retour) « Peut-être était-ce la coutume de raser la tête aux idiots et aux fous. » STEEVENS. « On trouve, dans les lois ecclésiastiques d’Alfred, une amende de 10 shillings contre celui qui aurait, par injure, tondu un homme du peuple comme un fou. » TOLLET.