Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/396

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LE MESSAGER. — Est-il possible ?

BÉATRICE. — Très-possible. Il garde ses amitiés comme la forme de son chapeau, qui change à chaque nouveau moule.

LE MESSAGER. — Madame, je le vois bien, ce gentilhomme n’est pas sur vos tablettes.

BÉATRICE. — Oh ! non ; si j’y trouvais jamais son nom, je brûlerais toute la bibliothèque. – Mais dites-moi donc, je vous prie, quel est son frère d’armes ? N’avez-vous pas quelque jeune écervelé qui veuille faire avec lui un voyage chez le diable ?

LE MESSAGER. — Il vit surtout dans la compagnie du noble Claudio.

BÉATRICE. — Bonté du ciel ! il s’attachera à lui comme une maladie. On le gagne plus promptement que la peste ; et quiconque en est pris extravague à l’instant. Que Dieu protège le noble Claudio ! Si par malheur il est pris du Bénédick, il lui en coûtera mille livres pour s’en guérir.

LE MESSAGER. — Je veux, madame, être de vos amis.

BÉATRICE. — Je vous y engage, mon bon ami !

LÉONATO. — Vous ne deviendrez jamais folle, ma nièce.

BÉATRICE. — Non, jusqu’à ce que le mois de janvier soit chaud.

LE MESSAGER. — Voici don Pèdre qui s’approche.

(Entrent don Pèdre, accompagné de Balthazar et autres domestiques, Claudio, Bénédick, don Juan.)

DON PÈDRE. — Don seigneur Léonato, vous venez vous-même chercher les embarras. Le monde est dans l’usage d’éviter la dépense ; mais vous courez au-devant.

LÉONATO. — Jamais les embarras n’entrèrent chez moi sous la forme de Votre Altesse ; car, l’embarras parti, le contentement resterait. Mais quand vous me quittez, le chagrin reste et le bonheur s’en va.

DON PÈDRE. — Vous acceptez votre fardeau de trop bonne grâce. Je crois que c’est là votre fille.

LÉONATO. — Sa mère me l’a dit bien des fois.

BÉNÉDICK. — En doutiez-vous, seigneur, pour lui faire si souvent cette demande ?