Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/399

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de dire que si elle était tout autre qu’elle est, elle ne serait pas belle ; étant ce qu’elle est, elle ne me plait pas.

CLAUDIO. — Vous croyez que je veux rire. Je vous en prie, dites-moi sincèrement comment vous la trouvez.

BÉNÉDICK. — Voulez-vous en faire emplette, que vous preniez des informations sur elle ?

CLAUDIO. — Le monde entier suffirait-il à payer un pareil bijou ?

BÉNÉDICK. — Oh ! sûrement, et même encore un étui pour le mettre. – Mais parlez-vous sérieusement, ou prétendez-vous faire le mauvais plaisant pour nous dire que l’amour sait très-bien trouver des lièvres, et que Vulcain est un habile charpentier ? Allons, dites-nous sur quelle gamme il faut chanter pour être d’accord avec vous ?

CLAUDIO. — Elle est à mes yeux la plus aimable personne que j’aie jamais vue.

BÉNÉDICK. — Je vois encore très-bien sans lunettes, et je ne vois rien de cela : il y a sa cousine qui, si elle n’était pas possédée d’une furie, la surpasserait en beauté autant que le premier jour de mai l’emporte sur le dernier jour de décembre ; mais j’espère que vous n’avez pas dans l’idée de vous faire mari ? Serait-ce votre intention ?

CLAUDIO. — Quand j’aurais juré le contraire, je me méfierais de moi-même, si Héro voulait être ma femme.

BÉNÉDICK. — En êtes-vous là ? d’honneur ? Quoi ! n’est-il donc pas un homme au monde qui veuille porter son bonnet sans inquiétude ? Ne reverrai-je de ma vie un garçon de soixante ans ? Allez, puisque vous voulez absolument vous mettre sous le joug, portez-en la triste empreinte, et passez les dimanches à soupirer. – Mais voilà don Pèdre qui revient vous chercher lui-même.

(Don Pèdre rentre.)

DON PÈDRE. — Quel mystère vous arrêtait donc ici, que vous ne nous ayez pas suivis chez Léonato ?

BÉNÉDICK. — Je voudrais que Votre Altesse m’obligeât à le lui dire.

DON PÈDRE. — Je vous l’ordonne, sur votre fidélité.