Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/414

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DON PÈDRE. — Ah ! signor, où trouverai-je le comte ? L’avez-vous vu ?

BÉNÉDICK. — Ma foi, seigneur, je viens de jouer le rôle de dame Renommée. J’ai trouvé ici le comte, aussi mélancolique qu’une cabane dans une garenne[1]. Je lui dis, et je crois avoir dit vrai, que Votre Altesse avait conquis les bonnes grâces de cette jeune dame. Puis je lui offre de l’accompagner jusqu’à un saule, soit pour lui tresser une guirlande, comme à un amant délaissé, ou pour lui fournir un faisceau de verges, comme à un homme qui mériterait d’être fouetté.

DON PÈDRE. — D’être fouetté ! Et quelle est sa faute ?

BÉNÉDICK. — La sottise d’un écolier qui, dans sa joie d’avoir trouvé un nid d’oiseau, le montre à son camarade, et celui-ci le vole.

DON PÈDRE. — Traiterez-vous de faute une marque de confiance ? La faute est au voleur.

BÉNÉDICK. — Et cependant il n’eût pas été mal à propos qu’on eut préparé et les verges et la guirlande. Le comte aurait pu porter la guirlande, et il aurait pu donner les verges à Votre Altesse qui, à ce que je crois, lui a volé son nid d’oiseaux.

DON PÈDRE. — Je ne veux que leur apprendre à chanter, et les rendre ensuite à leur légitime maître.

BÉNÉDICK. — Si leur chant s’accorde avec votre langage, vous parlez en honnête homme.

DON PÈDRE. — La signora Béatrice vous prépare une querelle. Le cavalier qui dansait avec elle lui a dit que vous lui faisiez beaucoup de tort.

BÉNÉDICK. — Oh ! elle m’a maltraité à faire perdre patience à un bloc ! Un chêne, n’ayant plus qu’une feuille verte, lui aurait répondu. Mon masque même commençait à prendre vie et à la quereller. Elle m’a dit, sans se douter qu’elle me parlait à moi-même, que j’étais le bouffon du prince, et que j’étais plus insipide qu’un

  1. « Ce qui reste de la fille de Sion est comme une cabane dans un vignoble, comme une loge nocturne dans un jardin de concombres. (Isaïe, chape.1.)