Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/438

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DOGBERRY. — Alors ne prenez pas garde à lui et laissez-le passer. Sur-le-champ appelez à vous tout le reste de la patrouille, et remerciez Dieu d’être délivré d’un coquin.

VERGES. — S’il refuse de s’arrêter quand on lui ordonne, il n’est pas un sujet du prince.

DOGBERRY. — Sans doute, et ils ne doivent avoir affaire qu’aux sujets du prince. – Vous éviterez aussi de faire du bruit dans les rues ; car de voir un gardien de nuit jaser et bavarder, cela est tolérable et ne peut se souffrir.

SECOND GARDIEN. — Nous aimons mieux dormir que bavarder. Nous savons quel est le devoir du guet.

DOGBERRY. — Bien, vous parlez comme un ancien, comme un gardien paisible ; car je ne saurais voir en quoi le sommeil peut nuire. Prenez garde seulement qu’on ne vous dérobe vos piques[1]. Ensuite vous devez frapper à tous les cabarets, et commander à ceux qui sont ivres d’aller se coucher.

SECOND GARDIEN. — Et s’ils ne le veulent pas ?

DOGBERRY. — Alors, laissez-les tranquilles, jusqu’à ce qu’ils soient de sang-froid. S’ils ne vous font pas alors une meilleure réponse, vous pouvez dire qu’ils ne sont pas ceux pour qui vous les aviez pris d’abord.

SECOND GARDIEN. — Fort bien, monsieur.

DOGBERRY. — Si vous rencontrez un voleur, en vertu de votre charge vous pouvez le soupçonner de n’être pas un honnête homme ; et quant à cette espèce de gens, le moins que vous pourrez avoir affaire avec eux, ce sera le mieux pour votre probité.

SECOND GARDIEN. — Si nous le connaissons pour un voleur, ne mettrons-nous pas la main sur lui ?

DOGBERRY. — Vraiment par votre charge vous le pouvez. Mais je pense que ceux qui touchent le goudron se salissent les mains. Si vous prenez un voleur, la manière la plus tranquille est de le laisser se montrer ce qu’il est, en fuyant votre compagnie.

VERGES. — Assez, mon cher collègue, vous avez toujours été réputé pour un homme miséricordieux.

  1. Bills. Pertuisanes, armes de l’ancienne infanterie anglaise.