nous venons d’entendre notre consigne. Asseyons-nous ici sur ce banc près de l’église jusqu’à deux heures, et de là allons tous nous coucher.
DOGBERRY. — Encore un mot, honnêtes voisins. Je vous en prie, veillez à la porte du seigneur Léonato, car le mariage étant fixé à demain sans faute, il y a grand tumulte cette nuit. Adieu, soyez vigilants, je vous en conjure.
(Dogberry et Verges sortent.) (Entrent Borachio et Conrad.)
BORACHIO. — Conrad, où es-tu ?
PREMIER GARDIEN, bas à ses compagnons. — Paix, ne bougez pas.
BORACHIO. — Conrad ! dis-je ?
CONRAD, en le poussant. — Ici. Je suis à ton coude.
BORACHIO. — Par la messe, le coude me démangeait ; je pensais bien qu’il s’ensuivrait quelque croûte.
CONRAD. — Je te devrai une réponse à cela. Poursuis maintenant ton récit.
BORACHIO. — Mettons-nous à couvert sous ce toit ; il bruine : et là, comme un vrai ivrogne, je te dirai tout.
SECOND GARDIEN, à part. — Quelque trahison ! Restons cois, mes amis.
BORACHIO. — Tu sauras que don Juan m’a promis mille ducats.
CONRAD. — Est-il possible qu’aucune scélératesse soit si chère ?
BORACHIO. — Demande plutôt comment il est possible qu’aucun scélérat soit si riche ! car lorsque le scélérat riche a besoin du scélérat pauvre, le pauvre peut faire le prix à son gré.
CONRAD. — Tu m’étonnes.
BORACHIO. — Cela prouve que tu es novice ; tu sais que la forme d’un pourpoint, ou d’un chapeau, ou d’un manteau, n’est rien dans un homme.
CONRAD. — Cependant c’est une parure !
BORACHIO. — Je veux dire la forme à la mode.
CONRAD. — Oui, la mode est la mode.
BORACHIO. — Bah ! autant dire un sot est un sot. Mais