Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1865, tome 1.djvu/147

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la foule ; mais pour moi — et pour d’autres qui partageaient mon opinion, — pour les bons juges, il n’y avait qu’un cri, c’était une excellente pièce, — écrite avec autant de réserve que de talent. On disait qu’il n’y avait pas assez d’épices dans les vers pour lui donner saveur, — mais on la trouvait d’un goût honnête, aussi saine que suave. — Tenez, je me souviens surtout d’un passage, — c’était le récit d’Énée à Didon, — spécialement l’endroit où il parle du meurtre de Priam. — Si ce morceau vit dans ta mémoire… — Voyons… — Pyrrhus, hérissé comme la bête d’Hyrcanie. — Ce n’est pas cela ; cela commence par Pyrrhus… — Oh ! j’y suis !

Le hérissé Pyrrhus avait une armure de sable
Qui, noire comme ses desseins, ressemblait à la nuit,
Quand il était couché dans le cheval sinistre.
Mais maintenant son physique affreux et noir est barbouillé
D’un blason plus effrayant ; des pieds à la tête
Il est tout gueules ; il est horriblement coloré
Du sang des mères, des pères, des filles et des fils,
Desséché et cuit sur lui en caillot coagulé.
Rôti par la colère et le feu, il cherche l’ancêtre Priam…

— Va, maintenant !

CORAMBIS.

Par Dieu ! monseigneur, voilà qui est bien dit : bon accent !

LE COMÉDIEN.

Bientôt il le trouve lançant sur les Grecs des coups trop courts ;
Son antique épée, rebelle à son bras,
Reste où elle tombe, incapable de combattre.
Pyrrhus pousse à Priam ; mais dans sa rage,
Il frappe à côté ; mais le sifflement et le vent
De sa cruelle épée font tomber l’aïeul énervé…

CORAMBIS.

Assez, mon ami, c’est trop long.

HAMLET.

Nous l’enverrons chez le barbier avec votre barbe. —