Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1865, tome 1.djvu/157

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OFÉLIA.

C’est court, monseigneur.

HAMLET.

Comme l’amour d’une femme.

Entrent, sur le second théâtre, le Duc et la Duchesse.
LE DUC.

Quarante années se sont écoulées, dates évanouies,
Depuis l’heureux moment qui a réuni nos deux cœurs en un seul.
Et maintenant le sang qui remplissait mes jeunes veines
Coule faiblement dans ses tuyaux ; et tous les chants
De la musique qui jadis charmaient mon oreille,
Sont maintenant un refrain que l’âge ne peut plus supporter.
Aussi, ma bien-aimée, la nature doit-elle payer sa dette :
Il faut que j’aille au ciel et te laisse sur la terre.

LA DUCHESSE.

Oh ! ne dites pas cela, si vous ne voulez pas me frapper au cœur
Quand la mort vous emportera, puisse la vie me quitter !

LE DUC.

Résigne-toi ; quand mon existence sera finie,
Tu pourras peut-être trouver un compagnon plus noble,
Plus sage, plus jeune, un…

LA DUCHESSE.

Oh ! tais-toi ! Alors je serais maudite.
Nulle n’épouse un second mari sans tuer le premier.
Je donne une seconde fois la mort à mon seigneur,
Quand un second époux m’embrasse dans mon lit.

HAMLET.

Oh ! absinthe ! absinthe !

LE DUC.

Je crois que vous pensez ce que vous dites-là ;
Mais on brise souvent une détermination.
Car nos projets sont toujours renversés ;
Nos pensées sont nôtres, mais leur fin, non pas !