Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1865, tome 1.djvu/159

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Père, c’est une œuvre perfide. Mais qu’importe ? — Cela ne nous touche pas ; vous et moi, nous avons — la conscience libre. Que les rosses que ça écorche ruent !… Celui-ci est un certain — Lucianus, neveu du roi.
OFÉLIA.

Vous remplacez parfaitement le chœur, monseigneur.

HAMLET.

Je pourrais expliquer comment vous faites l’amour, — si je voyais remuer vos marionnettes.

OFÉLIA.

Vous êtes très-plaisant, monseigneur.

HAMLET.

Qui ? moi ! je ne suis que votre baladin. Qu’a un homme de mieux à faire que d’être gai ? Tenez, voyez comme ma mère a l’air joyeux, il n’y a que deux heures que mon père est mort.

OFÉLIA.

Non, il y a deux fois deux mois, monseigneur.

HAMLET.

Deux mois ! Oh ! alors, que le diable se mette en noir ; — moi, je veux porter la plus éclatante zibeline. Jésus ! mort — depuis deux mois, et pas encore oublié ! Alors il y a quelque — chance que la mémoire d’un gentilhomme lui survive. — Mais, par ma foi, il faut qu’il bâtisse force églises, — sans quoi il méritera la vieille épitaphe : — « Hélas ! hélas ! le cheval de bois est oublié. »

OFÉLIA.

Vos plaisanteries sont piquantes, monseigneur.

HAMLET.

Il ne vous en coûterait qu’un cri pour qu’elles fussent émoussées.

OFÉLIA.

De mieux en pire.