Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1865, tome 1.djvu/216

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me semblent toutes les jouissances de ce monde ! — Fi de la vie ! ah ! fi ! c’est un jardin de mauvaises herbes — qui montent en graine ; une végétation fétide et grossière — est tout ce qui l’occupe. Que les choses en soient venues là ! — depuis deux mois seulement qu’il est mort ! Non, non, pas même deux mois ! — Un roi si excellent ; qui était à celui-ci — ce qu’Hypérion est à un satyre ; si tendre pour ma mère — qu’il ne voulait pas permettre aux vents du ciel — d’atteindre trop rudement son visage ! Ciel et terre ! — faut-il que je me souvienne ? Quoi ! elle se pendait à lui, — comme si ses désirs grandissaient — en se rassasiant. Et pourtant, en un mois… — Ne pensons pas à cela… Fragilité, ton nom est femme ! — En un petit mois, avant d’avoir usé les souliers — avec lesquels elle suivait le corps de mon pauvre père, — comme Niobé, tout en pleurs. Eh quoi ! elle, elle-même ! — Ô ciel ! une bête, qui n’a pas de réflexion, — aurait gardé le deuil plus longtemps… Mariée avec mon oncle, — le frère de mon père, mais pas plus semblable à mon père — que moi à Hercule : en un mois ! — avant même que le sel de ses larmes menteuses — eût cessé d’irriter ses yeux rougis, — elle s’est mariée ! Ô ardeur criminelle ! courir — avec une telle vivacité à des draps incestueux ! — C’est une mauvaise action qui ne peut mener à rien de bon. — Mais brise-toi, mon cœur ! car il faut que je retienne ma langue.
Horatio, Bernardo et Marcellus entrent.
HORATIO.

— Salut à votre seigneurie !

HAMLET.

Je suis charmé de vous voir bien portant : — Horatio, si j’ai bonne mémoire ?