Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1865, tome 1.djvu/224

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vères du sentier de la licence, — sans se soucier de ses propres sermons.
LAERTES.

N’ayez pas de crainte pour moi. — Je tarde trop longtemps. Mais voici mon père.

Polonius entre.

— Une double bénédiction est une double grâce ; — l’occasion sourit à de seconds adieux.

POLONIUS.

— Encore ici, Laertes ! à bord ! à bord ! Quelle honte ! — Le vent est assis sur l’épaule de votre voile, — et l’on vous attend. Voici ma bénédiction !

Il met sa main sur la tête de Laertes.

— Maintenant grave dans ta mémoire ces quelques préceptes. — Refuse l’expression à tes pensées — et l’exécution à toute idée irréfléchie. — Sois familier, mais nullement vulgaire. — Quand tu as adopté et éprouvé un ami, — accroche-le à ton âme avec un crampon d’acier, — mais ne durcis pas ta main au contact — du premier camarade frais éclos que tu dénicheras. Garde-toi — d’entrer dans une querelle ; mais, une fois dedans, — comporte-toi de manière que l’adversaire se garde de toi. — Prête l’oreille à tous, mais tes paroles au petit nombre. — Prends l’opinion de chacun, mais réserve ton jugement. — Que ta mise soit aussi coûteuse que ta bourse te le permet, — sans être de fantaisie excentrique ; riche, mais peu voyante ; — car le vêtement révèle souvent l’homme ; — et en France, les gens de qualité et du premier rang — ont, sous ce rapport, le goût le plus exquis et le plus digne. — Ne sois ni emprunteur, ni prêteur ; — car le prêt fait perdre souvent argent et ami, — et l’emprunt émousse l’économie. — Avant tout, sois loyal envers toi-même ; — et, aussi infailliblement que la nuit suit le jour, — tu ne