Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1865, tome 1.djvu/269

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souffler à la face ? — me pincer par le nez ? me jeter le démenti par la gorge — en pleine poitrine ? Qui veut me faire cela ? Ah ! — Pour sûr, je garderais la chose ! Il faut absolument — que j’aie le foie d’une tourterelle et que je n’aie pas assez de fiel — pour rendre l’injure amère : autrement, il y a déjà longtemps — que j’aurais engraissé tous les milans du ciel — avec les entrailles de ce drôle. Sanguinaire et obscène scélérat ! — sans remords ! traître ! paillard ! ignoble scélérat ! — Ô vengeance ! — Quel âne suis-je donc ? Oui-dà, voilà qui est bien brave ! — Moi, le fils du cher assassiné, — moi, que le ciel et l’enfer poussent aux représailles, — me borner à décharger mon cœur en paroles, comme une putain, — et à jurer comme une coureuse, — comme une souillon ! Fi ! — quelle honte !… En campagne, ma cervelle !… Humph ! j’ai ouï dire — que des créatures coupables, assistant à une pièce de théâtre, — ont, par l’action seule de la scène, — été frappées dans l’âme, au point que, sur-le-champ, — elles ont révélé leurs forfaits. — Car le meurtre, bien qu’il n’ait pas de langue, trouve pour parler — de miraculeux organes. Je ferai jouer par ces comédiens — quelque chose qui ressemble au meurtre de mon père, — devant mon oncle. J’observerai ses traits, — je le sonderai jusqu’au vif : pour peu qu’il se trouble, — je sais ce que j’ai à faire. L’esprit que j’ai vu — pourrait bien être le démon ; car le démon a le pouvoir — de revêtir une forme attrayante : oui, et peut-être, — abusant de ma faiblesse et de ma mélancolie, — grâce au pouvoir qu’il a sur les esprits comme le mien, — me trompe-t-il pour me damner. Je veux avoir des preuves — plus directes que cela. Cette pièce est la chose — où j’attraperai la conscience du roi.
Il sort.