Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1865, tome 1.djvu/285

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Et trente fois douze lunes ont de leur lumière empruntée
Éclairé en ce monde trente fois douze nuits,
Depuis que l’amour a joint nos cœurs et l’hyménée nos mains
Par les liens mutuels les plus sacrés.

LA REINE DE LA PIÈCE.

Puissent le soleil et la lune nous faire compter
Autant de fois leur voyage, avant que cesse notre amour !
Mais, hélas ! vous êtes depuis quelque temps si malade,
Si triste, si changé,
Que vous m’inquiétez. Pourtant, tout inquiète que je suis,
Vous ne devez pas vous en troubler, monseigneur ;
Car l’anxiété et l’affection d’une femme sont en égale mesure :
Ou toutes deux nulles ou toutes deux extrêmes.
Maintenant, ce qu’est mon amour, vous le savez par épreuve ;
Et mes craintes ont toute l’étendue de mon amour.
Là où l’amour est grand, les moindres appréhensions sont des craintes ;
Là où grandissent les moindres craintes, croissent les grandes amours.

LE ROI DE LA PIÈCE.

Vraiment, amour, il faut que je te quitte, et bientôt.
Mes facultés actives se refusent à remplir leurs fonctions.
Toi, tu vivras après moi dans ce monde si beau,
Honorée, chérie ; et, peut-être un homme aussi bon
Se présentant pour époux, tu…

LA REINE DE LA PIÈCE.

Oh ! grâce du reste !
Un tel amour dans mon cœur serait trahison.
Que je sois maudite dans un second mari !
Nulle n’épouse le second sans tuer le premier.

HAMLET.

De l’absinthe ! voilà de l’absinthe !

LA REINE DE LA PIÈCE.

Les motifs qui poussent un second mariage
Sont des raisons de vil intérêt, et non pas d’amour.
Je donne une seconde fois la mort à mon seigneur,
Quand un second époux m’embrasse dans mon lit.