Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1865, tome 1.djvu/302

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LA REINE.

Hélas ! quelle est l’action — qui gronde si fort dans cet exorde foudroyant ?

HAMLET.

— Regardez cette peinture-ci, et celle-là. — Ce sont les portraits des deux frères. — Voyez quelle grâce respirait sur ce visage : — les boucles d’Hypérion ! le front de Jupiter lui-même ! — l’œil pareil à celui de Mars pour la menace ou le commandement ! — l’attitude comme celle du héraut Mercure, — quand il vient de se poser sur une colline à fleur de ciel ! — Un ensemble, une forme, vraiment, — où chaque dieu semblait avoir mis son sceau, — pour donner au monde le type de l’homme : — c’était votre mari !… Regardez maintenant, à côté : — c’est votre mari : mauvais grain gâté, — fratricide du bon grain. Avez-vous des yeux ? — Avez-vous pu renoncer à vivre sur ce sommet splendide — pour vous vautrer dans ce marais ? Ah ! avez-vous des yeux ? — Vous ne pouvez pas appeler cela de l’amour ; car, à votre âge, — le sang le plus ardent s’apprivoise, devient humble, — et suit la raison.

Montrant les deux tableaux (20).

Et quel être raisonnable — voudrait passer de ceci à ceci ? Vous êtes sans doute douée de perception, — autrement vous ne seriez pas douée de mouvement ; mais sans doute la perception — est paralysée en vous : car la folie ne ferait pas une pareille erreur ; — la perception ne s’asservit pas au délire à ce point, — elle garde assez de discernement — pour remarquer une telle différence. Quel diable — vous a ainsi attrapé à colin-maillard ? — La vue sans le toucher, le toucher sans la vue, — l’ouïe sans les mains et sans les yeux, l’odorat seul, — une partie même malade d’un de nos sens, — ne serait pas à ce point stupide. — Ô honte ! où est ta rougeur ? Enfer re-