Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1865, tome 1.djvu/306

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même demande pardon au vice, — il faut qu’elle implore à genoux la grâce de lui faire du bien.
LA REINE.

— Ô Hamlet ! tu m’as brisé le cœur en deux.

HAMLET.

— Oh ! rejetez-en la mauvaise moitié, — et vivez, purifiée, avec l’autre. — Bonne nuit ! mais n’allez pas au lit de mon oncle ; — affectez la vertu, si vous ne l’avez pas. — L’habitude, ce monstre qui dévore tout sentiment, — ce démon familier, est un ange en ceci — que, pour la pratique des belles et bonnes actions, — elle nous donne aussi un froc, une livrée — facile à endosser. Abstenez-vous cette nuit : — cela rendra un peu plus aisée — l’abstinence prochaine. La suivante sera plus aisée encore ; — car l’usage peut presque changer l’empreinte de la nature, — il peut dompter le démon ou le rejeter — avec une merveilleuse puissance. Encore une fois, bonne nuit ! — Et quand vous désirerez pour vous la bénédiction du ciel, — je vous demanderai la vôtre.

Montrant Polonius.

Quant à ce seigneur, — j’ai du repentir ; mais les cieux ont voulu — nous punir tous deux, lui par moi, moi par lui, — en me forçant à être leur ministre et leur fléau. — Je me charge de lui, et je suis prêt à répondre — de la mort que je lui ai donnée. Allons, bonne nuit, encore ! — Il faut que je sois cruel, rien que pour être humain. — Commencement douloureux ! Le pire est encore à venir.

LA REINE.

— Que dois-je faire ?

HAMLET.

— Rien, absolument rien de ce que je vous ai dit. — Que le roi, tout gonflé, vous attire de nouveau au lit ; — qu’il vous pince tendrement la joue ; qu’il vous appelle sa