Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1865, tome 1.djvu/309

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pour tous, — pour vous-même, pour nous, pour le premier venu. — Hélas ! qui répondra de cette action sanglante ? — C’est sur nous qu’elle retombera, sur nous dont la prévoyance — aurait dû tenir de près et isoler du monde — ce jeune fou. Mais telle était notre tendresse, — que nous n’avons pas voulu comprendre la chose la plus raisonnable. — Nous avons fait comme l’homme atteint d’une maladie hideuse, — qui, par crainte de la divulguer, lui laisse dévorer — sa vie jusqu’à la moelle. Où est-il allé ?
LA REINE.

— Mettre à l’écart le corps qu’il a tué. — Dans sa folie même, comme l’or — dans un gisement de vils métaux, — son âme reste pure. Il pleure sur ce qu’il a fait.

LE ROI.

— Ô Gertrude, sortons ! — Dès que le soleil aura touché les montagnes, — nous le ferons embarquer. Quant à cette odieuse action, — il nous faudra toute notre majesté et notre habileté — pour la couvrir et l’excuser. Holà ! Guildenstern !

Rentrent Rosencrantz et Guildenstern.

— Mes amis, prenez du renfort. — Hamlet, dans sa folie, a tué Polonius, — et l’a traîné hors du cabinet de sa mère. — Allez le trouver, parlez-lui doucement, et transportez le corps — dans la chapelle. Je vous en prie, hâtez-vous.

Sortent Rosencrantz et Guildenstern.

— Viens, Gertrude ; nous allons convoquer nos amis les plus sages — pour leur faire savoir ce que nous comptons faire, — et l’imprudence qui a été commise. Ainsi la calomnie — qui traverse le monde, — comme un canon atteint la cible, — de son boulet empoisonné, pourra manquer notre nom, — et ne frapper que l’air invulné-