Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1865, tome 1.djvu/385

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« L’acte, dit Plowden, consiste en trois parties : la première est l’imagination ; la seconde, la résolution ; la troisième, l’exécution. L’exécution consiste en deux parties : le commencement et la fin. Le commencement est la perpétration de l’acte qui cause la mort, et la fin est la mort qui est seulement la suite de l’acte. » Et plus loin : « Sir James Hales est mort, et comment est-il venu à mourir ? On peut répondre, en noyant, et qui a-t-il noyé ? Sir James Hales ; et quand l’a-t-il noyé ? Quand il était vivant. De sorte que sir James Hales étant vivant a causé la mort de sir James Hales ; et l’acte de l’homme vivant a été la mort de l’homme mort. Donc, pour cette offense, il est raisonnable de punir l’homme vivant qui a commis l’offense, et non l’homme mort. Mais comment peut-on dire qu’il a été puni vivant quand la punition vient après sa mort ? On ne le peut qu’en confisquant, dès le moment de l’acte qui, commis dans sa vie, a été la cause de la mort, les titres et la propriété des choses qu’il possédait de son vivant. » Cette argumentation concluante avait pour but de justifier la confiscation au profit de la couronne des biens de sir James Hales qui s’était noyé.

(32) Tout à l’heure Shakespeare raillait la magistrature, ici il raille l’aristocratie. La ridicule question posée par le deuxième paysan et la spirituelle réponse du premier rappellent ironiquement les discussions généalogiques qui passionnaient la cour d’Élisabeth. Un écrivain contemporain, Gérard Leigh, disait, en 1591, dans un livre intitulé Accedence of Armourie : « Pour que vous sachiez bien qu’aussitôt après la création d’Adam, la gentilhommerie et la roture existaient, vous apprendrez que le second homme qui est né était un gentilhomme, du nom d’Abel. » Le même auteur affirme que Jésus-Christ était un gentilhomme de haute lignée.

(33) Le premier paysan chante ici, en la modifiant, une vieille ballade attribué à lord Vaux et qui fut publiée en 1557, avec les chansons du comte de Surrey :

I loth that I did love,
In youth that I thought swete,
As time requires : for my behove
Me thinkes they are not meet.


Je hais ce que j’ai aimé,
Ce qu’en ma jeunesse j’ai trouvé doux,
Ainsi le veut le temps : pour mon usage
Il me semble que tout cela n’est plus bon.