Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1865, tome 2.djvu/203

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seule. Les éclairs de Jupiter, précurseurs — des effrayants coups de tonnerre, ne sont pas plus rapides, — ni plus brusquement évanouis : le feu et le fracas — des rugissements sulfureux semblaient assiéger — le très-puissant Neptune et, en faisant trembler ses vagues hardies, — ébranler même son trident redouté.
PROSPERO.

Mon brave esprit ! — y a-t-il eu quelqu’un d’assez ferme, d’assez vaillant pour que ce vacarme — n’altérât pas sa raison ?

ARIEL.

Pas une âme — qui n’ait ressenti la fièvre de la folie et fait — des grimaces de désespoir. Tous, hormis les matelots, — ont plongé dans l’écume salée et quitté le vaisseau, — devenu tout flamme avec moi : le fils du roi, Ferdinand, — les cheveux dressés (plutôt comme des roseaux que comme des cheveux) — a sauté le premier en criant : L’enfer est vide — et tous les diables sont ici !

PROSPERO.

Ah ! je reconnais là mon esprit ! — Mais n’était-ce pas près de la côte ?

ARIEL.

Tout près, maître.

PROSPERO.

— Mais, Ariel, sont-ils tous sains et saufs ?

ARIEL.

Pas un cheveu n’a péri. — Leurs vêtements, qui les soutenaient, n’ont pas une tache — et n’en sont que plus frais… Ensuite, ainsi que tu me l’as dit, — je les ai dispersés en troupes dans l’île. — Quant au fils du roi, je l’ai débarqué seul ; — je l’ai laissé refroidissant l’air de soupirs — dans un coin sauvage de l’île, et assis — les bras tristement croisés.