Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1865, tome 2.djvu/237

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STEPHANO.

Quatre pattes et deux voix ! un monstre tout à fait délicat ! … Sa voix de devant lui sert à dire du bien de son ami ; sa voix de derrière à lâcher de sales mots et à injurier… Quand tout le vin de ma bouteille serait nécessaire à son rétablissement, je guérirai sa fièvre. Approche… Amen !… Je vais en verser dans ton autre bouche.

TRINCULO, reconnaissant Stephano.

Stephano !

STEPHANO.

Comment, ton autre bouche m’appelle ! Miséricorde ! miséricorde ! c’est un diable, et non un monstre. Je vais le laisser là. Je n’ai pas une longue cuiller, moi (22) !

TRINCULO.

Stephano ! Si tu es Stephano, touche-moi et parle-moi. Je suis Trinculo ; n’aie pas peur ; ton bon ami Trinculo !

STEPHANO.

Si tu es Trinculo, sors de là… Je vais te tirer par les jambes les moins grosses : s’il y a ici les jambes de Trinculo, ce sont celles-là… Tu es Trinculo même, sur ma parole. Comment te trouves-tu être le siége de ce veau de la lune (23) ? Est-ce qu’il vente des Trinculos ?

TRINCULO.

Je l’ai cru tué par un coup de tonnerre… Mais tu n’es donc pas noyé, Stephano ? J’espère bien, à présent, que tu n’es pas noyé !… L’orage est-il passé ? Je me suis caché sous la souquenille de ce monstre mort, par peur de l’orage. Tu es donc en vie, Stephano ? Ô Stephano ! deux Napolitains sauvés !

STEPHANO.

Je t’en prie, ne tourne pas autour de moi : mon estomac n’est pas très-ferme.