Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1865, tome 2.djvu/24

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ceux qu’elles avaient défendus, vivantes. Avant de revenir dans ce monde animer d’autres corps, ces âmes d’élite passaient dans un monde meilleur et vivaient là des milliers d’années sous l’enveloppe transparente du fantôme. Druidesses sur la terre, elles étaient fées au ciel.

Les Celtes les vénéraient alors comme des déesses ; ils plaçaient sous leur invocation leur foyer, leur cité, leur patrie, et ils leur élevaient des autels symboliques semblables à celui qui fut découvert au siècle dernier, orné de cette inscription mystérieuse :

Genio Arvernorum Sex. Orcius Suavis Œduus.

Ce n’était pas seulement l’Auvergne qui avait son génie. Dans toute la Gaule, dans toute la Grande-Bretagne, chaque ville avait sa fée protectrice. Bibracte avait la sienne, Lutèce avait la sienne, Bordeaux avait la sienne, la puissante Tudela ; Lyon avait la sienne ; Londres, Cantorbéry, Winchester avaient les leurs.

Ce ne fut qu’après le règne de Constantin que les populations celtiques, converties forcément au christianisme, commencèrent à négliger leur ancien culte, et à délaisser les fées druidiques pour les anges de l’Orient. C’est à cette négligence qu’a été attribuée la froideur témoignée dès lors par les fées à la race humaine. Le grand mouvement catholique des croisades parut augmenter leur froideur, et, s’il faut en croire le poëte Chaucer, elles avaient cessé de se montrer sur la terre dès le quatorzième siècle :

In old time of the king Artour,
Of which that Bretons speken great honour,
All was this land fulfilled of faerie;
The Elf queen with her joly company,