Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1865, tome 2.djvu/306

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exquise liqueur ; en suite, il le fait passer à Charlemagne. Dès que l’empereur y a mis la main, le gobelet se vide. Alors Obéron, apostrophant Charlemagne d’une voix tonnante, lui reproche l’injustice dont il vient de se rendre coupable et le menace de révéler au monde tous les crimes dont sa conscience est chargée. — L’empereur, humilié, se tait ; le représentant de la justice humaine se courbe sous l’arrêt de la justice supérieure. Girard, tremblant devant cet être formidable qui lit dans les âmes, avoue sa félonie. Sur l’ordre d’Obéron, la potence étend son bras pour étrangler le fratricide et les deux moines. C’est en vain que Huon intercède pour son frère ; le roi de féerie est inflexible. Il faut que la sentence retournée reçoive son exécution ; il faut que les condamnés soient acquittés et que les absous soient condamnés. À Girard, la corde ; à Huon, le trône légitime de Guyenne et l’amour, bien légitime aussi, d’Esclarmonde. Le roman finit comme la comédie ; et Obéron ne retourne dans son royaume, avec son cortége de sylphes, qu’après avoir accordé aux nouveaux époux sa prestigieuse bénédiction.

(7) Toute l’Angleterre souffrit, en 1593 et en 1594, de ce trouble des saisons, que Shakespeare attribue ici aux querelles de Titania et d’Obéron, et que les prédicateurs, plus orthodoxes, expliquèrent par la colère de Dieu. Dans les Annales de Strype, on trouve l’extrait suivant d’un sermon prêché à York par le révérend J. King : « Souvenez-vous que le printemps a été très-désagréable, à cause des pluies abondantes qui sont tombées. Notre juillet a été comme un février, notre juin comme un avril ; si bien que l’air en dut être infecté. » Plus loin, après avoir parlé des trois années de disette qui viennent de s’écouler, le docteur ajoute : « C’est le Seigneur qui nous menace par ces temps hors de saison et ces tempêtes de pluie. Le cours des saisons est tout à fait interverti. Nos années sont sens dessus dessous ; nos étés ne sont pas des étés, nos récoltes ne sont pas des récoltes ; nos jours de semailles ne sont plus des jours de semailles. »

La coïncidence qui existe entre ces paroles et la description faite par Titania a paru frappante à tous les commentateurs. Et Malone n’a pas hésité, en conséquence, à fixer à l’année 1594 la première représentation du Songe d’une Nuit d’été.

(8) Une mystérieuse légende est attachée à ces paroles d’Obéron. Dans le récit fort intéressant que le chroniqueur Laneham nous a