Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1865, tome 2.djvu/309

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apercevoir de loin, derrière la haie des gardes, au milieu du cortége de ses vassaux, la dédaigneuse reine entrant sous la grande porte du château !

(9) La reine des fées était connue de l’Angleterre shakespearienne sous deux noms différents : Titania et Mab. Titania est un nom d’origine latine que la reine paraît avoir hérité de Diane, car Ovide appelle souvent ainsi cette déesse. Il est certain que, dans la religion populaire du Moyen Âge, la reine des fées avait succédé à la déesse antique, et le roi Jacques Ier nous le dit lui-même dans sa Démonologie : « L’esprit que les gentils appelaient Diane, et sa cour errante, s’appelle parmi nous la Fée (That sprite guhilk by the gentiles was called Diana, and her vandering court, is amongst us called the Phairie). Mab est un nom d’origine septentrionale, et il est infiniment probable qu’avant la Renaissance, qui confondit la mythologie et la féerie, la reine des fées était toujours ainsi désignée. C’est sous ce nom que Shakespeare nous la présente dans le célèbre récit de Mercutio, à la scène iv de Roméo et Juliette.

(10) Ces paroles de Bottom sont une nouvelle allusion à un incident des fameuses fêtes de Kenilworth. Dans un manuscrit de Nicolas Lestrange, publié par la société Cambden, on lit l’anecdote curieuse que voici : « Un spectacle sur l’eau fut offert à Élisabeth ; parmi ceux qui y figurèrent était Harry Coldingham, chargé de représenter Arion sur le dos d’un dauphin. Au moment de jouer, il trouva que sa voix était très-enrouée et fort désagréable : alors il déchira son costume, jura qu’il n’était pas Arion, mais bien l’honnête Harry Goldingham ; et cette brusque révélation plut beaucoup plus à la reine que s’il avait continué son rôle jusqu’au bout. »

(11) C’était une opération magique fort ancienne que de transformer une tête d’homme en tête d’âne. Albert le Grand indique lui-même le moyen dans ses Secrets : Si vis quod caput hominis assimiletur capiti asini, sume de semine aselli, et unge hominem in capite et sic apparebit. Autrement dit : « Si tu veux qu’une tête d’homme soit assimilée à une tête d’âne, prends de la semence d’ânon, frottes-en l’homme à la tête, et il apparaîtra sous la forme voulue. » Reginald Scot, dans ses Révélations sur la Sorcellerie, nous donne une recette plus détaillée : « Coupez la tête d’un cheval ou d’un âne (avant qu’ils soient morts ; autrement, la puissance du charme serait moins efficace) ; prenez un vase de terre assez large pour la contenir, et remplissez-le avec l’huile et le gras de la bête. Fermez le vase hermétiquement et en-