Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1865, tome 2.djvu/352

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La Fée désignait la terre. L’esprit, de son regard intellectuel, reconnut les êtres qui lui étaient parents. Les foules innombrables apparaissaient à son coup d’œil comme les cités d’une fourmilière.

Chose merveilleuse, que les passions, les préjugés, les intérêts qui dirigent le plus petit être, que les plus faibles touches qui émeuvent le nerf le plus délicat, et qui, dans une cervelle humaine, font naître la plus vague pensée, deviennent autant d’anneaux dans la grande chaîne de la nature !


« Regarde, cria la Fée, les palais en ruine de Palmyre. Regarde où la grandeur a grimacé ! regarde où le plaisir a souri ! Qu’en reste-t-il maintenant ? Le souvenir de l’ineptie et de la honte. Qu’y a-t-il là d’immortel ? Rien. Ces restes subsistent pour raconter une mélancolique histoire, pour donner un avertissement terrible ; et bientôt l’oubli emportera silencieusement les débris de cette gloire. Là, des monarques et des conquérants écrasèrent fièrement des millions de prosternés ; — tremblements de terre de la race humaine, oubliés comme le reste, quand la ruine qui marque leur secousse aura disparu.

« À côté du Nil éternel, les pyramides ont surgi. Le Nil poursuivra sa route immuable ; les pyramides tomberont. Non, pas une pierre ne restera dressée pour dire où elles se dressèrent. Leur écroulement sera oublié comme le nom de leur constructeur.

« Où Athènes, Rome et Sparte existèrent, est maintenant un désert moral. Ces huttes chétives et misérables, ces palais plus misérables, contrastent avec les vieux temples qui, maintenant, s’effondrent en oubli ! Les longues et solitaires colonnades, à travers lesquelles erre le spectre de la liberté, font l’effet d’un air bien