Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1865, tome 2.djvu/356

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tout, si la variété des mets importés de tous les climats, pouvaient amener le goût affadi à triompher de la satiété, si le faste n’empoisonnait pas la source où il puise, ou plutôt si le vice inflexible et obstiné ne convertissait pas ses aliments en poison funeste, alors ce roi serait heureux, et le paysan qui, ayant rempli sa tâche volontaire, revient le soir et, près du fagot flambant, retrouve l’hospitalière bien-aimée pour qui il a dépêché sa besogne, ne ferait point un repas plus doux.

» Regarde-le, maintenant, étendu sur le lit splendide ; son cerveau fiévreux vacille étourdi. Ah ! mais l’engourdissement de la débauche diminue trop vite, et la conscience, cet impérissable serpent, appelle sa venimeuse couvée à la tâche nocturne. Écoute ! Il parle ! Oh ! remarque cette physionomie frénétique ! Oh ! remarque ce visage funèbre ! »

LE ROI.

« Pas de trêve ! Oh ! cela doit-il donc durer toujours ? Horrible mort ! je souhaite autant que je crains de t’étreindre ! Pas un moment de sommeil sans rêve ! Ô chère et sainte paix ! pourquoi ensevelis-tu ta pureté de Vestale dans la misère et dans les cachots ? Pourquoi te caches-tu avec le danger, la mort et la solitude, et évites-tu toujours le palais que je t’ai construit ? Paix sacrée ! oh ! fais-moi au moins une visite et jette à mon âme desséchée au moins une goutte de ta salutaire pitié !…

« Homme présomptueux ! son palais, c’est le cœur honnête ! La paix ne salit pas son manteau de neige dans un taudis comme le tien ! Écoute ! il murmure encore. Ses sommeils ne sont que des agonies variées. Ils s’acharnent comme des scorpions sur les sources de la vie.