Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1865, tome 2.djvu/360

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de l’obéissance avait alors mis à néant les suggestions de la nature ?

» Regarde la terre, là-bas ! Les moissons d’or germent ; le soleil infaillible répand la vie et la lumière ; les fruits, les fleurs, les arbres poussent à leur saison ; toutes les choses parlent paix, harmonie, amour. L’univers, dans la muette éloquence de la nature, déclare que tous les êtres accomplissent l’œuvre d’amour et de joie ; tous, excepté l’homme réfractaire. Lui, il fabrique la lame qui poignarde la paix ; il caresse le serpent qui lui ronge le cœur ; il élève le tyran qui se fait un plaisir de sa douleur et un spectacle de son agonie. Est-ce que ce soleil, là-bas, n’éclaire que les grands ? et ces rayons argentés, dorment-ils moins doucement sur le chaume de la cabane que sur le dôme des rois ? La maternelle terre est-elle une marâtre pour ses nombreux fils qui recueillent, au prix d’incessantes fatigues, ses dons destinés à d’autres ? et n’est-elle une mère que pour ces enfants pleurnicheurs qui, bercés dans l’aisance et le luxe, font des hommes les jouets de leur enfantillage et détruisent, dans leur exigeante puérilité, cette paix que des hommes seuls apprécient ?

» Esprit de la nature, non ! La pure diffusion de ton essence palpite également dans tout cœur humain. C’est là que tu ériges le trône de ton autorité sans appel. Tu es le juge dont un signe rend le bref et frêle pouvoir de l’homme aussi impuissant que le vent qui passe. Ton tribunal domine l’étalage de la justice humaine d’aussi haut que Dieu domine l’homme.

» Esprit de la nature ! tu es la vie des interminables multitudes ; tu es l’âme de ces énormes sphères dont la voie immuable est tracée dans le profond silence des cieux ; tu es l’âme du plus petit être dont la vie soit renfermée en un pâle rayon d’avril. Ainsi que ces êtres