Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1865, tome 2.djvu/87

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sonne ne peut plus endurer avec patience les châtiments imposés par la Providence. Si un accident arrive, maladie, perte d’enfants, de grain ou de bestiaux, vite on crie : à la sorcière[1] ! » C’est ainsi que Reginald Scot revendiquait les droits méconnus du Créateur. Le préjugé universel attribuait à d’infernales vengeances les calamités de ce monde, Scot les attribuait, lui, à la colère céleste. Il réclamait pour Dieu cette responsabilité du mal qu’on rejetait sur Satan. Impies ceux qui prenaient ainsi la droite de Jéhovah pour la griffe du diable !

Quant à ces apparitions dont on parlait tant, elles n’étaient pour Scot que les visions chimériques de l’imagination et de la peur. Les anges dont a parlé la Bible n’ont eu des ailes que par métaphore. « Je pense avec Calvin, disait l’auteur des Révélations, que les anges sont des créatures de Dieu, bien que Moïse ne dise rien de leur création. Je pense avec lui qu’ils n’ont pas de forme du tout, puisqu’ils sont des esprits purs, et je pense avec lui, enfin, que c’est pour la capacité de notre esprit que l’Écriture nous les peint avec des ailes, afin de nous faire comprendre qu’ils sont toujours prêts à nous secourir[2]. » Quant aux sylphes et aux lutins envolés de la féerie, quant aux monstres évoqués du paganisme, quant aux loups-garous échappés de l’enfer, Reginald Scot les renvoyait sans façon aux contes de nourrice. « Certainement il est arrivé qu’un drôle affublé d’un drap blanc a abusé et trompé des milliers de personnes, spécialement à l’époque où Robin Bonenfant faisait tant de remue-ménage dans la campagne. Pendant notre enfance, les servantes de nos mères nous ont tant fait peur d’un vilain diable ayant des cornes sur la tête,

  1. Discoverie of Witchcraft (1584).
  2. Ibid.